Abderrahmane Belayat, coordinateur du parti, “Des intrus veulent prendre le FLN en otage”

Abderrahmane Belayat, coordinateur du parti,  “Des intrus veulent prendre le FLN en otage”

En héritant de la responsabilité d’assurer la gestion de la transition, Abderrahmane Belayat, apparatchik du parti, ignorait sans doute qu’il allait avoir autant de pain sur la planche. Pour autant, il compte aller au bout de sa mission et refuse pour le moment de convoquer une session du CC, redoutant un risque d’explosion du parti.

Malgré le retrait de confiance à Belkhadem, le FLN n’a toujours pas quitté la zone de turbulences. La pression a continué à s’exercer sur le coordinateur, Abderrahmane Belayat, désigné pour gérer cette phase jusqu’à l’élection du nouveau secrétaire général. Rencontré jeudi dans son ancien bureau, le doyen du doyen des partis refuse de changer de rôle ou de céder à la pression qu’exercent sur lui les camps qui s’affrontent au sein du parti. Il a accepté d’évoquer, en toute franchise, tous les sujets liés à la vie du parti. Dernier acte de cette crise, la désignation de nouveaux responsables dans les instances de l’APN que les anciens occupants refusent de céder. Sa décision d’opter pour la désignation, procédure qui n’est pas nouvelle, est, dit-il, dictée par son souci de défendre les intérêts du parti. Et il n’est pas question pour lui de revenir dessus. “Je ne me fais pas des opinions rapidement et superficiellement, mais quand j’ai la conviction, je l’assume”, dit-il. Et il assume cette décision. “J’ai bien fait de demander l’arrêt des élections au sein du groupe parlementaire. Nous avons fait une bonne liste pour les structures permanentes de l’APN et le respect de l’application de ces décisions ne souffre aucune discussion”, a-t-il ajouté, expliquant que si les nouveaux députés ne sont pas encore installés, il faudra voir à qui incombe la responsabilité. Et d’insister que rien ne changera et qu’aucune autre forme n’est acceptable. Le mandat des précédents députés désignés est terminé et pas question, selon lui, de revenir dessus. Parce que, a-t-il précisé, toute autre forme va aggraver le problème et va engendrer d’autres dérives. Et ce sera un précédent et plus jamais la décision du parti ne sera acceptée. Quant au report de l’installation des nouveaux désignés, il a indiqué que cela a été fait pour éviter la perturbation de la clôture de la session de printemps. Mais, avertit-il, il ne faut pas que cette compréhension soit transformée en arme contre la légitimité et le droit de ceux qui ont été désignés. Et d’assurer qu’il y veillerait personnellement. Il a justifié cette décision par le souci de voir l’opération (élection) “douteuse qui allait salir le groupe parlementaire et l’APN”. “Si c’est à refaire, je le referai”, a-t-il martelé .

Mais il reste encore d’autres problèmes qui se sont greffés à la crise qui perdure depuis le 9e congrès. Dernier en date, la réunion informelle de membres du BP qui lui reprochent d’agir en solo et ne pas les avoir consultés alors qu’un autre groupe qui se présente comme un comité lui reproche de tarder à convoquer la session du CC et menace de la convoquer en introduisant une demande pour sa tenue. Belayat récuse toutes ces accusations. Pour les membres du BP, il a souligné qu’il les a consultés pour l’élaboration de la liste des députés, seul Tayeb Louh était pour l’élection. Et la demande de retrait de confiance qui l’a ciblé émane, dit-il, d’une femme du BP qui a agi de la sorte lorsqu’elle a vu qu’elle n’était pas dans la liste alors qu’elle refusait de se soumettre à la règle du non-cumul. Pour les autres, il a révélé qu’ils se sont réunis une seule fois, juste après le retrait de confiance à Belkhadem où ils se sont disputés. “S’ils veulent se réunir, je suis prêt à les rassembler”, dit-il. Quant au dit comité qui a déclaré convoquer la session du CC, il a affirmé qu’“il s’agit d’une fiction, d’un comité factice”. Il a également révélé que le représentant de ce dit comité, qu’il avait par ailleurs reçu, agit de cette manière parce qu’il s’est mis au service d’un candidat. Et il s’entête. PV d’huissier à l’appui, il a précisé que ce comité n’a aucune existence et qu’au cas où on lui accorderait l’autorisation, celui qui la lui donnerait prend l’entière responsabilité. Et il n’est pas question, rappelle-t-il, de convoquer dans les conditions actuelles le CC, au risque d’aggraver les divisions et de disperser le parti. “Je dis, réglez d’abord vos problèmes et on se réunira pour élire le secrétaire général”, dit-il. Cela d’autant que les deux camps campent sur leurs positions et n’arrivent toujours pas à s’entendre. Pas même à se réunir, en informel, pour trouver un consensus. “Je ne peux pas, politiquement, prendre le risque de convoquer un CC qui va se donner en spectacle, je ne veux pas aggraver les dissensions. Or les causes des dissensions ne sont pas traitées. Je leur demande de tenir des réunions informelles pour les traiter et ça ne se fait pas”, dit-il encore.

Belayat affiche de la patience, mais aussi des signes d’un homme que n’amuse pas le spectacle actuel. “Nous ne vendons pas des légumes ou du foin. Nous faisons de la politique”, s’est-il insurgé.

LG Algérie

Ce qui le dépite le plus est cependant l’intrusion de nouvelles valeurs étrangères au parti et qui ont charrié avec elles la corruption. “Comment le FLN, au vu et au su de tout le monde, accepte de se prêter à ce lamentable spectacle. Des gens corrupteurs et des députés corrompus pour une élection de structure de 30 sièges. Comment des députés qui ont eu la confiance du parti et du peuple qui ont la responsabilité pour légiférer et contrôler le gouvernement acceptent de voter contre rétribution. Comment un député qui veut avoir une responsabilité se permet d’acheter ses pairs. Comment des députés acceptent de monnayer leurs voix ?” s’est-il demandé avec étonnement. Tout en dénonçant cet état de fait, il déplore qu’on ait laissé le parti ouvert aux “intrus, transfuges et autres indésirables” qui se sont infiltrés dans le parti et tentent de lui imposer leurs valeurs qui ne sont pas les siennes et ne pourront pas s’adapter, se “socialiser”. D’où le recours à l’argent. “Ils veulent s’imposer de force, prendre plusieurs postes”, a-t-il dit. C’est devenu, selonlui, une pathologie en plus de l’arrogance et de l’insolence. Pire, “ces maquignons” veulent prendre le contrôle du parti. Il répond également à ceux qui s’impatientent et trouvent la période transitoire longue et la qualifient d’inédite. Pour lui, six mois représentent un laps de temps court comparativement aux autres transitions, notamment avant l’avènement du multipartisme de 1965 jusqu’en 1979 avec le 4e congrès. Même après, la même situation a été observée d’avril 2004 à janvier 2005, période qui a duré 10 mois, avec le FLN sans secrétaire général. Et Belkhadem, qui n’était ni membre du CC ni du BP, a désigné le groupe parlementaire et a présidé la commission de préparation du congrès. Situation qu’il qualifie d’ailleurs de plus grave que l’actuelle.

Sur la question de la présidentielle, il a estimé que le FLN compte toujours dans l’équation. Quand il s’agit d’un candidat consensuel, le parti est consulté et pose “ses conditions”. S’allier au FLN, c’est s’assurer, d’après lui, un potentiel et une machine électorale avec une majorité dans les assemblées. Le choix n’est pas du ressort du SG mais du CC, comme ce fut le cas avec les candidats Zeroual, alors que Mehri, SG, était contre l’élection, ou alors Bouteflika, alors que Benhamouda voulait se présenter. “Le FLN est incontournable”, selon lui.

“La situation en Tunisie et en Égypte est préoccupante”

Ce qui se passe actuellement en Tunisie et concomitamment avec ce qui se passe en Égypte est navrant et préoccupant. C’est une alerte. C’est ce que nous avons dénoncé, il y a quelques années et particulièrement depuis l’avènement du multipartisme chez nous, les dérives de l’intégrisme sont en leur aboutissement dans la violence verbale, la violence physique, dans le terrorisme, dans la démolition et dans la destruction des institutions de l’État et même dans le lien sociétal. C’est un avertissement. Le danger actuel aussi bien en Tunisie qu’en Libye, en Égypte et que vit aussi la Syrie doit nous avertir de nous prémunir de baisser la garde. Nous n’avons pas souhaité cela pour la Tunisie ou tout autre peuple arabe, africain ou asiatique. La dérive de l’intégrisme religieux est une menace permanente. Il faut s’en prémunir à tous les instants. C’est une occasion pour manifester notre solidarité, notre sympathie et notre peine vis-à-vis de ce qui se passe en Tunisie et en Égypte. Les assassinats de personnalités ont été suivis d’explosions à Tunis et dans le Sinaï alors que les apprentis sorciers d’ici et d’ailleurs, qui croient que l’extrémisme religieux est une solution pour le pluralisme des idées et la démocratie, doivent méditer ce qui se passe.

Ce qui s’est passé en Tunisie est inacceptable et le FLN qui a montré toute sa capacité de

l’analyse de la situation, qui a monté toute sa fidélité dans les institutions de l’État et aux valeurs de notre peuple tire la sonnette d’alarme pour dire que cette dérive intégriste et terroriste risque d’être très contagieuse. Nous disons attention à la rémission, à la rechute ! Attention à ne pas encourager les fauteurs de trouble, ceux qui tirent le diable par la queue !

D B